25 mars 2007

Congo-Brazzaville : Entretien avec M. J.-C. Mayima-Mbemba sur les echeances electorales

CONGO-BRAZZAVILLE : Entretien sur les échéances électorales.

 

Interview exclusive de Jean-Claude MAYIMA-MBEMBA

accordée à Kimpwanza, le 13 mars 2007

 

Jean-Claude MAYIMA-MBEMBA a été Rapporteur de la Commission Ad'hoc "Assassinats" de la Conférence Nationale Souveraine (25 février – 10 juin 1991), Secrétaire général de l'Ong Africa Human Voice International, membre du Bureau Exécutif National du MCDDI où il est Secrétaire national chargé des Relations avec l'Union Européenne.

 

En raison de l'actualité pressante qui prévaut au Congo-Brazzaville, notamment avec l'effervescence des préparatifs des élections législatives et locales, nous nous sommes approchés de M. Jean-Claude MAYIMA-MBEMBA pour recueillir son point de vue.

 

Kimpwanza : Monsieur Jean Claude Mayima Mbemba, la rédaction de Kimpwanza est très heureuse de vous retrouver en bonne santé, mais en est-il de même pour votre pays le Congo ? Quel regard général en avez-vous en ce moment ?

 

Jean-Claude MAYIMA-MBEMBA : A mon tour de vous remercier de m'avoir accordé votre attention, et je m'en réjouis.

 

C'est Marat qui avait dit : « La liberté de tout dire n'a d'ennemis que ceux qui veulent se réserver le droit de tout faire ».

 

Pour répondre à votre question, je dirais que même si physiquement je me porte bien, il n'en est pas de même pour mon pays. Vous savez, aucun homme conscient des difficultés que connaît son pays depuis des décennies ne resterait insensible et ne saurait se détourner des malheurs, des douleurs qui frappent ses compatriotes. On ne peut souffrir qu'avec eux, sinon je ne serais pas là à en parler avec vous.

 

Ceci dit, a-t-on encore besoin d'étaler tout ce qui s'y passe ? Chaque jour, les médias, les journaux, l'Internet nous apportent des informations concernant le Congo-Brazzaville. Aujourd'hui, tous les Congolais, du moins ceux qui vivent à l'extérieur du pays et qui ont encore la liberté totale   d'expression, ne se privent plus. Chaque jour, ils écrivent des articles, des livres. D'autres créent des Sites Internet ou des Blogs. Des analyses sont faites presque quotidiennement.

 

Bref, je dis : Tout va mal, très mal. Le Congo-Brazzaville a des problèmes, de très sérieux problèmes, et le problème du Congo c'est M. Sassou Nguesso et ses souteneurs que tous les Congolais savent.

 

Kpz : Ces derniers mois, certains leaders politiques sont rentrés au pays, qu'en pensez-vous ? Et qu'en est-il en ce qui vous concerne ? Quelles sont vos perspectives à ce propos ?

 

J-C M-MB : Le Congo est notre pays. Chacun de nous peut rentrer et s'y installer s'il pense qu'il peut y vivre en toute quiétude, en toute sécurité. Or, le malheur est que quiconque rentre au Congo de façon définitive est obligé de changer, de modifier son comportement ou de se ranger, quand même était-il une grande gueule, comme on dit dans le langage courant. Donc, soit composer avec l'oligarchie, avec la synarchie au pouvoir, soit s'écraser. Pour ma part, je crois que l'heure n'est pas encore venue pour fouler le sol de ma patrie. Certes, le président du parti auquel j'appartiens, M. Bernard Kolélas, est rentré, mais je ne suis pas Bernard Kolélas.

 

D'ailleurs, je n'ai pas besoin de rappeler les conditions dans lesquelles il est rentré. Sans ces conditions-là, croyez-vous que le président Kolélas serait au Congo aujourd'hui ? Je ne le pense pas. Moi, en ce qui me concerne, je ne suis pas homme à négocier mon retour au Congo. Je suis citoyen congolais, et je n'ai jamais changé de nationalité, n'en déplaise à certains. Quand je l'aurais décidé, je rentrerai dans mon pays.

 

Pour le moment, les conditions ne sont pas encore remplies. N'oubliez pas que M. Soni Benga m'a désigné et cantonné dans son livre et dès les premières pages, dans le rang des irréductibles. Mon crime, c'est d'avoir dénoncé cette sale guerre, ces injustices et ces crimes, pour un baril de pétrole pour les uns, et les besoins du ventre pour les autres. Pourtant, aujourd'hui, au fil des années, l'actualité m'a donné raison.

 

Une minute ! Je sens la question qui pend à vos lèvres. Après ce que je viens de dire, vous brûlez d'envie de me poser la question de savoir si j'ai peur d'être tué par M. Sassou Nguesso et ses proches si je rentre au Congo. Non, loin de là. Je n'ai pas peur de mourir, d'être tué. Je ne pèse pas plus que ceux qu'ils ont déjà exterminés. Les enfants du Beach ne leur ont rien fait du tout. Vous savez, même ici en France, s'ils veulent m'éliminer, ils le feront sans problème. Il y a déjà eu l'affaire Ben Barka, et le cas de Dulcy September. De plus, un membre de son entourage m'avait déjà dit, il y a quelques années, peu après leur victoire en 1997 : « Nous savons où vous êtes M. Mayima-Mbemba. Ce n'est pas difficile de vous trouver ». Est-ce que cela n'explique pas tout ?

 

En 2003, j'ai échappé à une tentative d'assassinat par empoisonnement. Alors ! Je crois que j'ai tout dit à ce sujet. Mais cela ne m'empêche pas de sortir, d'aller et venir, librement, sans me soucier du reste ou de ce qui peut m'arriver. Advienne que pourra.

 

Kpz : Quelles sont vos relations actuelles avec le Président Bernard Kolélas et le MCDDI ? Êtes-vous toujours membre actif du MCDDI ?

 

J-C M-MB : Quelle question ! Oui, je le confirme, je suis toujours membre actif du MCDDI, membre du Bureau Exécutif National du MCDDI. S'agissant de mes rapports avec le président du MCDDI, M. Bernard Kolélas, je ne pense pas qu'ils souffrent d'une quelconque ambiguïté. Mais je vois où vous voulez en venir. Ici et là, on dit que le MCDDI veut renouer avec le passé, à savoir, réactiver l'Alliance URD-FDU. Il serait sans doute préférable que cette question soit posée à l'intéressé lui-même qui conduit les destinées du parti.

 

Ceci dit, comme je l'avais déjà exprimé dans ma précédente intervention ici même dans votre espace, le MCDDI n'est pas un parti à cerveau   unique. Un homme, une idée. C'est ce qui fait d'ailleurs sa richesse et sa force. Ce serait d'ailleurs trop beau si dans un groupe humain tout le monde pensait la même chose, s'exprimait de la même façon. Ce serait même très dangereux pour un parti politique. C'est d'ailleurs à cause de cela que la Révolution et le système de parti unique ont dévoré des dizaines de milliers de nos compatriotes.

 

Moi, j'ai mes idées, mes analyses, mes appréciations, ma vision des choses, mes opinions, tout comme un autre sera à l'opposé des miennes. C'est cela aussi qui enrichit la vie démocratique au sein d'un parti, à quel que niveau que ce soit, si on veut bien s'en donner la peine. La divergence d'opinion, quand il y en a, dans la convergence.

 

A ce propos, un mot est en vogue aujourd'hui, et presque dans toutes les bouches : Consensus. Or, selon la définition qui m'en a été donnée par mes maîtres, « le Consensus, ce n'est pas l'absence de désaccord ; ce n'est ni l'harmonie universelle ni l'unanimité. Le consensus, c'est le consentement à quelques règles, l'adhésion à quelques valeurs tenues pour essentielles et   l'acceptation d'une procédure pour surmonter les désaccords ».

 

Kpz : Depuis que le Président Kolélas est rentré au Pays, à la faveur de ce que l'on sait, il y a une sérieuse confusion actuellement autour de ses relations personnelles et/ou politiques avec le Président de la République. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ? Qu'en est-il exactement, allégeance politique ou compromission politique ?

 

J-C M-MB : Beaucoup de rumeurs circulent ici et là à ce sujet. Pour ma part, je suis en charge d'un département, d'un dossier, celui des relations avec l'Union Européenne. Quant à savoir ce à quoi aspire le MCDDI et où son chef le conduit, je crois que les Congolais ne sont pas dupes. Il faut savoir faire la part des choses. Il y a les relations humaines qui, elles, et ce quelles que soient les divergences d'opinions, ne devraient pas souffrir des aléas d'autres réalités. Et il y a le volet politique qui, lui, déchire les hommes, les met en opposition, indifféremment des rapports humains, affectifs et amicaux que l'on puisse avoir.

 

Je vous donne un exemple, il y a quelques années, au Burundi, le Roi Mwambutsa IV n'avait-il pas été renversé, limogé par son propre fils Ntaré V ? Allez donc y comprendre quelque chose ! Enfin, bref, même si on s'étripe sur le plan politique, est-il  interdit d'avoir des relations purement humaines avec des femmes et des hommes, membres de l'autre bord politique dans le pays ? Le problème du Congo n'est pas au niveau strictement humain. Il est ailleurs.

 

Personnellement, puisque nous parlons politique, je ne considère que les actes politiques posés par les uns et les autres. Ceci dit, pour revenir à votre question, à moins qu'il s'agisse d'un accord secret (non écrit) dont je n'ai pas connaissance, je crois qu'il n'y a pas encore un accord écrit, noir sur blanc, qui consacrerait ce que vous avancez. Par exemple, il n'y a pas longtemps, quelques scribes en mal de scoop ont annoncé tambour battant que le MCDDI va faire partie du nouveau gouvernement en perspective. Tout le monde a été aux aguets.

 

M. Sassou vient récemment de remanier son gouvernement. Aucun ministre issu du MCDDI. Depuis, les clairons se sont tus à ce sujet. Alors, il y a de quoi faire attention à ce qu'on dit ou qu'on écrit. Vous savez, un proverbe bien de chez nous dit : « Le tam-tam se fabrique dans la forêt, à l'insu de tous, mais une fois le travail fini, son utilisation est toujours sur la place publique ». Je pense que vous avez bien compris ce que je veux dire.

 

Kpz : Que pensez-vous des choix politiques "controversés" de votre leader Bernard   Kolélas depuis la conférence nationale souveraine à ce jour ?

 

J-C M-MB : Je ne sais pas si, aujourd'hui, le président Bernard Kolélas a fait d'autres choix qui soient contraires à ceux affichés lors de la Conférence nationale souveraine. On lui a reproché d'avoir noué des alliances avec Sassou Nguesso, puis avec Lissouba. Tout cela au nom de quoi ? De la PAIX, simplement. On lui a mis sur le dos une guerre qu'il n'avait ni préparée, ni organisée, ni déclenchée.

 

On a très vite oublié ces simples citoyens congolais qui ont bénéficié de l'aide extérieure pour semer la débâcle nationale et la désolation dans tout le pays. On a très vite oublié ces hordes de troupes étrangères, d'armées nationales de pays voisins déguisées en véritables mercenaires, venues chez nous dans notre pays pour y installer, plutôt réinstaller un homme qui avait déjà fait ses preuves et montré ses limites.

 

A mon avis, ces hordes n'étaient pas venues au Congo pour aider Kolélas. Aujourd'hui la preuve est bien faite. Plus rien à démontrer. Que l'on se souvienne au moins de la déclaration du président Chirac à Luanda, un jour du 30 juin 1998. N'est-ce pas un aveu, une signature ? Au jour d'aujourd'hui, je crois que tout le monde a compris d'où sont venus la violence et le crime tous azimuts. Il ne faut surtout pas qu'on ait la mémoire courte, mais qu'on se rappelle aussi que c'est une autre figure française, Georges Clémenceau, qui avait déclaré : « Une goutte de pétrole vaut bien une goutte de sang ».

 

Vous faites allusions aux différentes déclarations de Bernard Kolélas ? Que dit-il ? Que déclare-t-il ? Appelle-t-il à la guerre ? De deux choses l'une : ou il fait un discours incendiaire, ce qui remettrait le feu aux poudres et les autres n'attendent que cela ; ou il tient un langage de paix comme il l'a toujours fait. A chacun de choisir et de lui dire alors quel discours tenir. L'homme n'a jamais appelé à la guerre, et cela tout le monde le sait. De toutes les façons, a-t-il les moyens de faire ce qu'il voudrait bien faire pour le bien du pays, au point où en sont les choses ? Il n'est pas au pouvoir, il n'a pas le pouvoir politique, encore moins de décision sur la nation. N'oublions pas que la constitution de M. Sassou Nguesso, taillée sur mesure comme une veste, a limité l'âge des candidats à la présidence de la République à 70 ans. Or Bernard Kolélas a plus de 70 ans. Pour M.   Sassou Nguesso, Bernard Kolélas n'est plus un danger pour son pouvoir octroyé, obtenu par procuration au prix du sang de nos compatriotes.

 

Au contraire, c'est Sassou Nguesso qui a aujourd'hui besoin de l'ombre de Bernard Kolélas. Il a tellement massacré les Congolais, ravagé le pays du Nord au Sud, qu'il me serait surprenant, seul en déplacement, de le voir se faire applaudir, sans se faire huer.

 

Mais qu'on le veuille ou non, rassurez-vous, le peuple congolais et le monde qui nous entoure   voudraient bien voir revenir la paix au Congo-Brazzaville, à l'exception des pyromanes, des  vautours et des charognards, bien sûr.

 

Kpz : Le gouvernement, réuni en conseil des ministres, le 13 février dernier, a admis le principe de la commission électorale indépendante pour les législatives et les locales fixées le 24 juin et le 22 juillet 2007 (pour les législatives) et le 20 janvier 2008 (pour les locales). Quelle est votre réaction personnelle et qu'en pense le MCDDI ?

 

J-C M-MB : Vous savez, cela fait longtemps que personnellement j'évoque ce dossier des élections législatives et locales. Je suis l'un des tous premiers à dénoncer l'injustice, l'illégalité, l'illégitimité, pire l'escroquerie organisées autour de ces élections. C'est dans l'une de mes nombreuses interventions que j'ai dénoncé le caractère archaïque et anachronique de la loi électorale de 2001 qui a consacré les élections de 2002. Je disais déjà, à l'adresse de l'opposition, qu'au lieu de se battre pour une Commission électorale indépendante, c'est à la loi, cette loi inique, qu'il fallait d'abord s'attaquer. Alors seulement viendrait et serait posée la question de la mise en place d'une Commission électorale indépendante. Malheureusement, on a inversé les rôles, on a mis la charrue avant les bœufs. Je disais déjà, dans mes interventions, que Sassou peut accepter de satisfaire les revendications de l'opposition concernant la mise en place d'une Commission électorale indépendante, mais que le problème resterait entier.

 

Comment pouvez-vous expliquer, avec cette loi électorale bancale, inique, qui repose sur une escroquerie et un totalitarisme éhontés, qu'une localité du nord du pays qui a une population disons de 10.000 habitants, par exemple, puisse avoir droit à 4 députés, et qu'une autre localité, du sud-Congo et de même démographie, n'a droit qu'à un ou 2 députés ? Il y a quand même problème. Il y a même dans la Bouenza une localité qui a près de 30.000 à 40.000 habitants. Tenez-vous bien, cette localité n'a droit qu'à 2 députés.

 

Ainsi, la minorité démographique deviendra majoritaire et la majorité démographique sera minoritaire dans cette assemblée prétendue que d'aucuns auront le toupet d'appeler « ASSEMBLEE NATIONALE ». Est-ce que vous ne voyez pas l'iniquité ?

 

Quant à ce qu'en pense le MCDDI, comme je ne suis pas sur place à Brazzaville, je préfère vous donner mon avis personnel à ce sujet. Et je pense que les dirigeants du MCDDI qui sont sur le   terrain s'en inspireront. Je répète : d'abord il fallait tout faire, se battre pour faire abroger cette loi d'un autre temps, comme dirait l'autre, et ensuite seulement aurait été posée la question de la C.E.I. Car le découpage électoral actuel, tel qu'il est consacré par la loi de 2001, est un vol, une véritable escroquerie. C'est cela qu'on appelle aussi la dictature.

 

Par conséquent, avec cette affaire, demain, je le crains et j'en ai bien peur, nous risquons de ramasser à nouveau les morts à la pelle, tués soit par balle, soit par arrêt cardiaque, soit à l'issue d'un enlèvement, etc. On connaît le mode opératoire.

 

Kpz : Selon vous, quels peuvent être les risques encourus par le pays, sachant que toutes les conditions d'organisation optimales de telles élections ne sont pas réunies ?

 

J-C M-MB : Je viens de le dire, nous risquons de ramasser, encore une fois, les morts à la pelle. Le gouvernement par la peur, l'intimidation, la violence et le crime tous azimuts, ne pardonne jamais les tergiversations. Pour lui, s'opposer à son diktat est un acte de lèse-majesté. Mais les Congolais doivent-ils courber l'échine pour autant ? Il y a eu des centaines de milliers de nos compatriotes qui sont morts, assassinés, qui n'avaient rien fait et qui ne savaient rien de la politique. Ils sont morts, massacrés, exterminés. De vrais innocents. Croyez-vous que la synarchie au pouvoir, avec à sa tête M. Sassou Nguesso, pardonnera longtemps de telles incartades, hésitera un seul instant, sans réagir et sans faire usage de la violence ?

 

Souvenez-vous de l'épisode et des péripéties du congrès du PCT. Ils ne savent faire que cela : TUER. Vous le savez sans doute. Ils en ont les moyens et ils ont leurs protecteurs et souteneurs, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Congo. Qu'à cela ne tienne, cette politique de la terre brûlée ne devrait pas refroidir les Congolais pour exiger et obtenir ce qui, à leurs yeux et de ceux des observateurs, est somme toute légitime.

 

Kpz : Suivez-vous l'évolution du processus de résolution de la crise du Pool ? Quel avis avez-vous de tous les acteurs impliqués ou concernés par ce dossier ? Y a t-il un blocage, d'où vient-il et pourquoi ?

 

J-C M-MB : Je ne pense pas qu'il puisse y avoir un pays, une région ou un homme tout court qui n'aspire pas à la paix. Un pays qui ne connaît pas la paix est un pays mort. J'ai personnellement participé à une partie des travaux préliminaires qui ont abouti à ce qui se met en place dans le Pool, en vue d'une paix durable. Si vous voulez avoir mon avis, je vais vous le donner sans tergiverser.

 

D'un côté, il y a celles et ceux qui aiment et veulent la paix à tout prix dans cette région. Des femmes et des hommes de tous bords et de toutes catégories sociales s'activent pour aboutir à quelque chose de définitif, aux fins de permettre à tout un chacun, à chaque habitant de cette   région, de pouvoir respirer enfin et y vivre en toute quiétude.

 

Mais de l'autre, il y a aussi celles et ceux qui ont fait de la région du Pool leur fonds de commerce.

 

- Imaginez la région du Pool vivant dans la paix ! Que deviendront celles et ceux qui en vivent, celles et ceux qui vivent du malheur, de la souffrance des autres ?

 

- Imaginez les fils de cette région reconstruire cette région ravagée par la haine, amorcer une politique de développement de la région !

 

Croyez-vous que ceux qui l'ont ravagée, détruite jusqu'à la profanation des tombes, ont intérêt à la voir retrouver son équilibre humain, moral et psychologique ? La région du Pool est devenue une poule aux œufs d'or. Elle nourrit ceux qui vivent de la violence, du crime et de rapines.

 

La Communauté internationale, en l'occurrence l'Union Européenne, déverse au Congo, au nom du Pool et pour le compte de la région du Pool, des millions de dollars et d'euros. Si la source tarit, que feront et deviendront celles et ceux qui vivent de cette manne, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays ?

 

C'est une affaire de gros sous, la région du Pool. A chacun de comprendre. Mais, pas de fatalisme ! La volonté humaine bravera ces obstacles, et demain celles et ceux qui tentent de freiner cette évolution, cette volonté humaine saine, pour la PAIX, seront indexés, montrés du doigt et cités nommément.

 

Patience, il faut laisser le temps au temps, tout en continuant d'œuvrer pour cet ACTE SALUTAIRE SOMME TOUTE PACIFIQUE.

 

Kpz : Que pensez-vous du récent sommet France-Afrique de Cannes ?

 

J-C M-MB : Sans commentaire ! C'est le rituel habituel. Notre très regretté François-Xavier Verchave, avait beaucoup dit et écrit à ce sujet. Récemment encore, dans un livre percutant  « Afrique, pillage à huis clos... », M. Xavier Harel a donné son analyse à ce sujet. Sauf que cette fois-ci, à Cannes, c'était une réunion au cours de laquelle le président Chirac a voulu dire, non pas adieu, mais « AU REVOIR » à ses connétables et ses baudets.

 

Pour ma part, les sommets France-Afrique, ce sont des messes entre complices pour une meilleure organisation du pillage de l'Afrique, des génocides et des crimes contre l'humanité impunis.

 

Kpz : L'Afrique peut-elle s'attendre à une refonte générale de ses relations ambiguës avec la France, après ces prochaines élections présidentielles ?

 

J-C M-MB : S'attendre ? A quoi ? De qui doit-elle « ATTENDRE » ? Il ne faut pas oublier que la   dialectique « Gauche-Droite » est une affaire franco-française. Lorsqu'il s'agit des intérêts de la France à l'extérieur de son périmètre, il n'y a plus de gauche, il n'y a plus de droite. Ne nous laissons pas berner par des illusions sans lendemain, c'est perdu d'avance. Souvenez-vous des         « Servitudes du Pacte colonial », dans un livre du président Mamadou Koulibaly, qui organisent et consacrent le pillage dit légal (?) de l'Afrique. C'est à l'Afrique, aux Peuples africains de se battre pour recouvrer sa liberté. Elle ne leur sera pas octroyée. Il faut que les Africains commencent par remettre en cause les accords dits de « COOPERATION » signés depuis 1960 par M. Michel   Debré et les premiers Chefs d'Etat des différents pays africains, colonies françaises. Il y a aussi le cordon ombilical : le Franc CFA. Aucun Etat souverain, digne de foi, ne peut vivre avec une monnaie prêtée.

 

Seulement voilà : Pour ceux qui ne le savent pas, le président Youlou est tombé en 1963 pour avoir dénoncé ces accords en 1961 à la tribune des Nations Unies. Le président Massamba-Débat est tombé, et en est mort de façon très atroce et inhumaine, pour avoir voulu remettre en cause les mêmes accords. Le président Marien Ngouabi est mort, assassiné, lui aussi pour s'être interrogé sur le bien fondé de ces accords qui ne laissent rien aux pays détenteurs et producteurs des richesses tant convoitées pour lesquelles nous mourons tous. Le président Laurent Gbagbo a eu des ennuis pour avoir, lui aussi, osé braver ces accords. Ils sont très meurtriers. Vous trouverez les extraits de ces accords prétendus et leurs commentaires dans le Site internet d' africa-humanvoice.org ou dans celui de congo-mikale.org. Si le texte est le même, ce qui diffère, ce sont les dates et les noms des signataires côté Afrique.

 

Kpz : Vous avez le dernier mot pour conclure...

 

J-C M-MB : Le dernier mot ? En l'état actuel des choses et de la situation catastrophique du pays, eh bien, je crois que le dernier mot revient au peuple congolais, seul, lui qui vit au quotidien les affres de la « MAL GOUVERNANCE ». Lui qui n'a pas d'électricité, lui qui n'a pas d'eau potable, lui qui ne peut plus se faire soigner, lui qui ne peut plus envoyer ses enfants à l'école, lui qui ne peut plus manger à sa faim, lui qui voit s'effondrer ses maisons, lui qui voit partir ses enfants dans des conditions atroces et inhumaines, lui qui manque de tout.

 

Combien de charniers y a-t-il au Congo ? Combien de disparus ont été retrouvés, ne serait-ce que les restes de leur corps ?

 

Je suis donc très mal placé pour lui donner des conseils. Je suis issu de ce peuple qui trinque, qui en bave. J'en suis une partie intégrante, et mon cœur saigne rien que de penser à tout cela. Si je pouvais faire un miracle... !

 

Mais, malgré ce que je viens de dire, je ne peux m'empêcher d'ajouter qu'il se pose aujourd'hui le problème de la culpabilité ou de l'innocence des faillis. Car, comme je l'ai écrit dans mon livre,   certains semblent oublier, en paraphrasant Hannah Arendt, que le problème de la culpabilité ou de l'innocence de l'individu, de la justice rendue à l'accusé et à la victime, sont les seules choses qui comptent dans un procès criminel.

 

Nous sommes donc invités à ne pas faire l'impasse sur les victimes et les réparations qui leur sont dues. Les victimes sont souvent l'honneur de la Société. On ne peut donc rendre hommage aux victimes sans condamner les exécutants et leurs collaborateurs, c'est-à-dire les bourreaux et les commanditaires. Il serait donc malsain et ignoble de demander à tout un peuple "l'oubli" de tous les crimes commis par le système inhumain en place depuis 1997.

 

Vous savez, à propos de l'oubli, s'agissant de l'affaire Touvier en France par exemple, en avril 1992, le Cardinal Decourtray s'était exprimé en ces termes : " L'oubli alimente le ressentiment. C'est le contraire du pardon qui ne va pas sans l'aveu". Dans le cas de notre pays, le Congo-Brazzaville, la réparation morale et matérielle, due aux victimes, réparation dont le possible repentir du coupable ne saurait dispenser, n'a pas eu lieu. C'est un peu comme si les victimes étaient une seconde fois niées dans leurs droits au respect et à la dignité, ou plus simplement encore à la vie.

 

Nous sommes entrés dans l'Histoire, celle qu'on a l'obligation d'écrire et que l'on doit tout d'abord à ceux qui en furent les acteurs. Car " la Nation a besoin de connaître la vérité, sa propre Histoire. Dans le cas où l'impunité survient en hâte, tel est le cas au Congo-Brazzaville, et permet d'esquiver ce travail nécessaire, des pages entières du passé sont arrachées et l'identité est affectée".

 

En France, parce que le procès du régime de Vichy n'a pas vraiment eu lieu et que l'on a voulu oublier trop vite cette sombre période, sous prétexte de la réconciliation nationale, la justice a été promue comptable de l'Histoire et l'on assiste à une dangereuse confusion entre la droite et la mémoire. C'est donc dire que « (...) L'amnistie est un rendez-vous manqué de la mémoire nationale », avait dit  Henri Rousso, à propos des lois d'amnistie de 1951 en France.

 

Certes, il faut pardonner. Mais le pardon met à nu l'existence de la souffrance, de l'injustice. Il suppose une relation restaurée, transformée, entre victime et coupable, c'est pourquoi on peut dire que seule la victime est en droit, en position de pardonner.

 

Certes, le pardon n'excuse rien, mais il libère la victime de l'obsession, de son tourment et du ressentiment, tandis que le coupable est appelé à se transformer après s'être repenti (s'il en est capable). C'est donc l'offensé qui prononce le pardon. A ce propos, je reprends le propos du   professeur René Rémond qui avait écrit d'ailleurs avec justesse : « Il n'y a de pardon authentique que dispensé par qui a été offensé ou maltraité et en réponse à un aveu sincère, accompagné d'un vrai repentir (...), sinon c'est confondre miséricorde divine avec le pardon d'homme à homme ».

 

Tout homme a droit à l'erreur et s'il agit avec intime conviction, sincère, cette attitude diminue sa culpabilité. Erreur de jugement ou culpabilité de comportement ? Seule la Justice peut répondre, et il est inadmissible de s'y soustraire.

 

Certains actes sont prescrits par le droit et la morale : ainsi la torture et les exécutions sommaires, la discrimination raciale, ethnique, clanique, les prises d'otages, les arrestations arbitraires et les emprisonnements sans jugements. Ce sont là des interdits. Or, accorder l'impunité aux tortionnaires, n'est-ce pas banaliser la torture ?

 

En revanche, établir les faits et les responsabilités en toute vérité et justice consiste à semer les graines d'une éducation aux Droits de l'homme qui s'appuie sur la responsabilité individuelle et collective. Cette dernière n'innocentant pas la première.

 

En conclusion, une fausse paix qui laisse couver sous la cendre les restes encore vifs d'une idéologie perverse est plus dangereuse que l'affrontement et la contradiction.

 

Kpz : Merci encore une fois...

 

J-C M-MB : C'est moi qui vous remercie de tout coeur de m'avoir donné cette opportunité.

 

Propos recueillis par André Patrick Tchissambou, le 13 mars 2007, pour Kimpwanza ( http://www.kimpwanza.org ).

   

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Cf. :

-        Africa Human Voice International : http://www.africa-humanvoice.org /afrique

-        Congo-Mikale : http://www.congo-mikale.org

 

 

 

 



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"L'ascension sociale se faisant sans échelle, ceux qui se dégagent et s'élèvent ne peuvent que monter sur les épaules et sur la tête de ceux qu'ils enfoncent.." (Lanza Del Vasto).
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