8 avril 2007

FRANCAFRIQUE : Les deux Afrique de Jacques Chirac


Les deux Afrique de Jacques Chirac Version imprimable Suggérer par mail
 Rubrique: Afrique
  Mwinda, 06-04-2007

La fin du mandat présidentiel est toujours un moment propice de dresser le bilan : celui de Jacques Chirac ne peut échapper à la règle pour deux raisons principales.

La fin du mandat présidentiel est toujours un moment propice de dresser le bilan : celui de Jacques Chirac ne peut échapper à la règle pour deux raisons principales.

La première, celle d'un président qu'une catégorie des médias et intellectuels français présentent comme « Chirac l'Africain ». L'homme simple. L'homme « nature » longtemps folâtre, direct, sympathique, extraverti, bon vivant, généreux, dévoué, désintéressé… l'homme de cœur. Chirac ? Qui ne l'a pas vu pour ne pas reconnaître que c'est l'homme ricanant, aimant les bains de foule, buvant de la bière au goulot et à revendre, mangeant beaucoup, parlant dru… autant de comportements et de goûts qui le rapprochent effectivement de l'Africain pur sang ?

Si l'on ajoutait à cela le fait que l'homme Chirac, tout comme le bon Africain, c'est aussi l'homme qui sait rire autant que pleurer, qui s'affaiblit face aux malheurs privés : la maladie d'une fille aimée, le suicide d'un gendre confirmant l'image d'un être humain à qui la couleur de la peau n'ajoute ni n'enlève rien, pourquoi nier la communauté comportementale qui le passerait pour « Chirac l'Africain » ?

Mais – et c'est l'autre visage de Chirac qui mérite qu'on y attarde le regard pour trouver une deuxième raison du bilan de fin de règne – Chirac, c'est aussi et surtout le politique tordu. C'est ce visage qui laisse les Africains dans une perplexité que même certains Français parmi ceux qui ont collaboré avec lui ont du mal à comprendre. Pour preuve, sa ministre Françoise Giroud a pu dire de lui : « Cet homme-là est du genre à lire de la poésie en se camouflant derrière un Playboy ». C'est ici que l'autre catégorie des médias et d'intellectuels français disent de lui qu'il n'a cessé de se chercher lui-même derrière des masques variés, des silences défensifs, le goût de l'autodérision. Il y en a même qui pensent qu'il est impénétrable. Ceux qui n'ont vraiment rien compris de l'homme n'hésitent pas de dire qu'il n'est pas intelligent, qu'il déteste les intellectuels, et se demandent s'il se connaît lui-même. Ce sont ces deux personnages dont on parle dans le continent noir et qui ont dessiné en Jacques Chirac deux Afrique totalement opposées : l'Afrique réelle et l'Afrique des élites.

J'entends par Afrique réelle, l'Afrique des populations autochtones dont on projette les images sur les écrans des télévisions occidentales, au travers des clichés multiformes, quelquefois insoutenables : conflits, misère, pauvreté, sida, diverses maladies tropicales… Cette Afrique n'est en aucune manière impliquée par le jugement de « Chirac l'Africain ».

Tout au long de ses deux mandats, il a contribué à la remise en cause de l'effort de démocratisation amorcée par les Africains dans les années 1990 (soutien du putschiste Denis Sassou Nguesso au Congo Brazzaville et destitution de Pascal Lissouba, le chef de l'État élu démocratiquement ; soutien du putschiste François Bozizé en République centrafricaine et destitution de Ange Félix Patassé, le chef de l'État élu démocratiquement, etc.), à encourager le maintien des conditions conflictuelles liées à la protestation par le peuple des leaders illégaux (Tchad, Burkina Faso, etc.), à créer les tensions là où on n'en avait pas du tout besoin (Togo, Côte d'Ivoire, etc.).

Dans le quotidien des populations africaines, les mandats de Chirac n'auront été qu'un « douzenat » de calvaire pour leurs pays respectifs, calvaire exprimé par les mentions sur des pancartes « Chirac assassin » brandies dans différentes capitales africaines (Kinshasa, Bangui, Lomé, Abidjan, etc.). Plus grave, même les populations acquises à la totale cause de M. Sassou Nguesso (considéré dans son pays comme le Bokassa de De Gaulle) n'ont pas hésité à marcher devant l'ambassade de France à Brazzaville, à brûler le drapeau français criant « mort au dernier colon », c'est-à-dire, Chirac.

Dernier colon français ? Pas si sûr, à en croire les déclarations de l'éditorialiste Libre antenne (du 23 mars 2007) sur le passage du flambeau de la Françafrique dont extrait ci-dessous :

« La seule compensation qu'un Chirac, Don Corleone de la Françafrique, ne saurait jamais donner même à son héritière Claude Chirac, c'est bien évidemment la grosse manne que représente ce fabuleux et très lucratif réseau françafricain. Et Sarkozy n'en demandait pas moins, lui qui vient d'une modeste famille hongroise, ne peut que saluer les dieux hongrois qui l'ont conduit à ce niveau du pouvoir français - pays central du pilotage françafricain - où on parle des sommes d'argent vertigineuses. D'ailleurs, Mitterrand n'avait-il pas menacé à ceux qui voulaient l'écarter du juteux gâteau françafricain, de commander à son ami Pierre Péan une deuxième monture plus épicée et occidentalisée de son célèbre pamphlet « Affaires Africaines » ! Pour Sarkozy, ce nouvel accord est de loin celui qu'il n'aurait jamais espéré de toute sa carrière d'homme politique français ou hongrois. Surtout que la Françafrique lui propose séance tenante un premier acompte de (tenez-vous bien)… 60 millions d'euros (un peu moins de 40 milliards de francs CFA), en guise de « cadeau de bienvenue ». C'est donc avec un pas léger qu'il quitte le Palais de l'Élysée cette après-midi là, laissant Chirac et De Villepin « rédiger le rapport final ». C'est à Omar Bongo du Gabon, doyen des chefs d'États de la nébuleuse Françafrique (comprenez « France à Fric ») et à son dauphin Abdoulaye Wade du Sénégal, que reviennent la tâche de finaliser la partie technique, qui nécessairement se doit d'être exécutée du côté africain, compte-tenu de la relative transparence des transactions hexagonales. Voici comment se déroule donc la suite : »

Lecture complète et images vidéo de la passation du pouvoir de la Françafrique entre Chirac et Sarkozy autour du doyen des dictateurs africains sont données sur les sites ci-dessous :

http://www.laconscience.com/article.php?id_article=5839  

http://africatv.info/video/Gabon2003.wmv 

http://africatv.info/video/Gabon2003.wmv 

Dégoûtant ! Révoltant ! De tous les chefs d'État français, De Gaulle compris, pas un seul n'aura choyé d'autant, au détriment des populations, les despotes africains pour qui il a comme il aime bien le répéter lui-même, de l'« estime personnelle ». C'est par rapport à ceux-là qu'effectivement on peut parler de « Chirac l'Africain ». Il les aime, peut-être un peu trop, pour en faire des chefs d'État des pays souverains.

Ne dit-on pas finalement d'eux qu'ils ne sont que des « sous-préfets nègres » ? Consciemment ou inconsciemment, c'est comme tel qu'ils ont été gérés par l'Élysée de Chirac. En reconnaissance du traitement paternaliste, ils ont, au terme du 24e sommet Françafrique de Cannes, souhaité organiser une grande fête en son honneur au nom de la fin de son mandat. Une première dans l'histoire de ce club des mafieux !

Honneur refusé, bien évidemment par Chirac qui, en bonne bête politique merveilleusement douée, est tout à fait conscient qu'aucun d'eux n'est ni « ami personnel » ni homologue de la taille des dirigeants capables de peser sur l'échiquier international. « Ami personnel », « ami intime », « grand leader africain »… Chirac a su trouver les mots qui conviennent pour obtenir dans les États respectifs à la tête desquels ils se trouvent ce qu'il a bien voulu obtenir pour l'intérêt… de la France. Et c'est chose faite au détriment des populations africaines dont nombreuses n'ont même plus d'eau potable ni d'électricité qu'elles avaient déjà sous Mitterrand, pillage à grande échelle ayant plus infantilisé les chefs d'État qu'amélioré les conditions de vie de leurs populations.

Ne dit-on pas en France, indépendamment de son « non » à la guerre d'Irak et du fiasco au référendum sur la constitution de l'Europe, que la seule réussite de ses deux mandats l'aura été en politique étrangère ? C'est vrai ! La France sous Chirac a tout gagné en Afrique, dans la proportion de l'enfoncement des États africains qui lui auront été les plus fidèles. Quant au reste, qu'il s'agisse de l'avant ou de l'après Chirac, chaque dirigeant africain continue de vaciller son pays vers le gouffre auquel il était destiné.

La paix des plus faibles passera-t-elle par le soutien permanent des dictateurs et le refus de les combattre quand ils sont attaqués par plus puissants qu'eux ? On peut le croire si l'on pense au peuple irakien qui, si Chirac était écouté pour que « son ami personnel » soit maintenu au pouvoir, aurait dû faire l'économie des souffrances supplémentaires. Mais combien de victimes de la dictature partagent cette analyse, et pour combien de temps encore ?


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El Sass encore en vedette dans Le Canard


« Le Canard Enchaîné » de cette semaine rend compte, comme de bien entendu, de la plainte des associations françaises et congolaise (la FCD) contre certains dictateurs africains ayant « investi » dans l'immobilier en France.

Dans un article intitulé « A la chasse aux milliards planqués par les dictateurs » l'hebdomadaire satirique décrit à sa manière « ce joyeux pillage qui a enrichi au passage des Français banquiers, promoteurs ou hommes d'affaires ».

Font l'objet d'un traitement particulier les chefs d'Etat de l'Afrique centrale. A propos du Congo « Le Canard Enchaîné » (4/4) explique que « le roi du pétrole congolais a beaucoup endetté son pays. Et plusieurs fonds d'investissement anglo-saxons, qui ont hérité d'une partie des créances, lui font des misères. L'un d'eux, FG Hémisphère, a calculé qu'entre 2003 et 2005 les dirigeants congolais ont « oublié » de verser au Trésor public de leur pays 750 millions d'euros [plus de 490 milliards de F. CFA ou plus d'un milliard de dollars, ndr] de recettes pétrolières.

Grand ami de Chirac depuis plus de trente ans, Sassou se rend souvent en France mais préfère descendre à l'hôtel Meurice, accompagné d'une importante délégation (87 personnes en mars 2006), plutôt que de séjourner dans sa villa Suzette, au Vésinet, riche en meubles d'acajou et en tapis d'Aubusson, avec marbre de Carrare et robinets en or (selon le magazine « Jeune Afrique », qui s'est intéressé à cette plomberie) dans les salles de bains.

La famille de Sassou possède aussi quelques masures parisiennes avenue Rapp et avenue Foch, et le neveu Wilfrid abrite une collection de voitures de luxe (Jaguar, Porsche, Aston Martin) dans le parking de son appartement d (550 m2) de Courbevoie. Selon le fonds britannique Kensington, Total n'est pas le seul groupe français à abuser du pétrole congolais. Plainte a été déposée en 2005 contre une banque très impliquée dans la région, BNP Paribas, pour « blanchiment d'argent ». Le vilain mot ! ».

Mais (on se console comme on peut) il est vrai, souligne l'hebdomadaire français, qu'en Afrique centrale Sassou est en bonne compagnie : il figure en bonne place avec Bongo, Dos Santos (qui « a détourné plus de 3 milliards d'euros de revenus pétroliers ») et feu le maréchal Mobutu et ses 5 milliards qui se promènent encore on ne sait où…


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"L'ascension sociale se faisant sans échelle, ceux qui se dégagent et s'élèvent ne peuvent que monter sur les épaules et sur la tête de ceux qu'ils enfoncent.." (Lanza Del Vasto).
 

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