29 janvier 2011

Tromperie du ministre Emmanuel Yoka sur la Nationalité Congolaise

LORSQUE LE CONSEIL DES MINISTRES SE TROMPE LOURDEMENT SUR LA NATIONALITE CONGOLAISE
Par Roger YENGA
La nationalité  est le lien juridique qui rattache les individus à un Etat dont ils deviennent les ressortissants. Ce lien juridique est déterminé par la loi de chaque Etat.
C'est à la loi de chaque Etat de déterminer, en effet, quels sont ses nationaux et de fixer les règles d'attribution et d'acquisition de la nationalité. Dans notre pays la République du Congo, c'est la loi 35-61 du 20 juin 1961 portant code de la nationalité congolaise qui est te texte de référence.

Il sied de préciser qu'après cinquante ans d'application stable, le code de la nationalité congolaise mérite un toilettage, afin de le mettre en conformité aussi bien aux dispositions des instruments internationaux de protection des droits humains qu'à la Constitution du 20 janvier 2002.

C'est ce qui m'avait conduit, en tant que citoyen congolais soucieux de l'évolution positive de nos lois, de mener une réflexion ayant abouti à la rédaction d'un dossier intitulé : Examens de quelques dispositions du code de la nationalité congolaise et contribution en vue de sa réforme.

Cette réflexion avait du reste été publiée dans deux journaux de Brazzaville il y a trois ans déjà. Par la suite, pour faire œuvre utile, j'ai transformé cette réflexion en une proposition de loi modifiant et complétant certaines dispositions du code de la nationalité congolaise. C'était un dossier complet comprenant un exposé des motifs, un argumentaire détaillé de la réforme et le texte de la proposition de la loi.

Ces dossiers complets avaient été remis à deux députés dont les noms ne seront pas mentionnés ici. Mais ces  derniers, pour des raisons qu'ils leurs étaient propres, n'avaient pas  pu soumettre cette proposition de loi à la Chambre basse du Parlement. C'est donc avec satisfaction que j'ai appris, par la lecture du compte rendu du Conseil des ministres du 29 décembre 2010, que le ministre d'Etat, coordonnateur du pôle de la souveraineté,  garde des sceaux, ministre de la justice et des droits humains Monsieur Emmanuel YOKA, avait soumis à l'appréciation du Conseil, qui l'a adopté, un projet de loi modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 35-61 du 20 juin 1961 portant code de la nationalité congolaise.

Cela dit, à la lecture de ce compte rendu du Conseil des ministres, on ne peut qu'être surpris et déçu par ce déplorable amalgame qu'entretient ce texte relativement aux droits reconnus aux personnes ayant acquis la nationalité congolaise par naturalisation et les congolais d'origine. En effet, dans le compte rendu du Conseil des ministres du jeudi 29 décembre 2010, s'agissant du projet de loi modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°35-61 du 20 juin 1961 portant code de la nationalité congolaise,  on peut notamment lire ceci ;

"Comme chacun sait, aux termes de la Constitution du 20 janvier 2002, tout étranger naturalisé congolais jouit de la prérogative de garder sa nationalité d'origine et tout congolais, quel qu'il soit, a le droit de changer de nationalité ou d'acquérir une seconde nationalité.Ces dispositions nouvelles, inscrites dans la loi fondamentales de 2002, mais en contradiction évidente avec la loi portant code de la nationalité congolaise, votée voici presque un demi-siècle, nécessitaient donc une mise à jour de celle-ci".

Il convient de relever tout de suite que ce passage du compte rendu du Conseil des ministres contient une inexactitude - si ce n'est pas une fausseté - juridique en ce sens qu'il  fait dire à la Constitution du 20 janvier 2002 ce qu'elle ne prévoit pourtant pas.

En effet, sans le mentionner, ce passage se réfère bien à l'article 13 de la Constitution du 20 janvier 2002. Cet article prévoit que : "La citoyenneté congolaise est garantie par la loi. Tout congolais a le droit de changer de nationalité ou d'en acquérir une seconde".

Cette disposition constitutionnelle reconnaît désormais à tout congolais d'origine le droit de changer de nationalité ou d'acquérir une seconde alors que l'article 47 du code de la nationalité congolaise sanctionne encore l'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère par la perte de la nationalité congolaise.

Mais le contenu de l'article 13 de la Constitution du 20 janvier 2002 n'a visiblement pas été compris par tous. 

Il ne fait aucun doute que l'expression de tout congolais, dans l'article 13 de la Constitution du 20 janvier 2002, a été comprise par certains comme signifiant que la possibilité d'acquérir une seconde nationalité concerne aussi bien les congolais d'origine que les naturalisés congolais. Rien n'est plus faux !

Il s'agit là d'une confusion manifeste qui, de surcroît n'a aucun fondement juridique. C'est d'autant plus vrai que, rien dans l'article 13 de la Constitution ne permet de croire ou de prétendre qu'un droit reconnu aux seuls congolais d'origine est également reconnu aux naturalisés congolais.
Pour bien comprendre cette différence entre les deux catégories de congolais, il faut revenir à la notion même de naturalisation.

La naturalisation est l'acquisition de la nationalité congolaise par un étranger qui ne l'a jamais possédée antérieurement.

La naturalisation n'est pas une procédure subsidiaire pour devenir congolais. C'est le mode normal d'acquisition de la nationalité congolaise, lorsqu'une personne étrangère ne bénéficie pas du droit d'acquérir la nationalité congolaise de manière automatique ou par déclaration.

Il est clair que les personnes ayant participé à la rédaction du projet de loi précité ont fait une mauvaise lecture de l'article 13 de la Constitution du 20 janvier 2002 en écrivant que ce texte reconnaît à tout étranger naturalisé congolais le droit de jouir de la prérogative de conserver sa nationalité d'origine.

Or non seulement l'article 13 de la Constitution ne prévoit rien de tel mais le naturalisé congolais n'a pas le droit de conserver sa nationalité d'origine, comme nous allons le voir, à travers les lignes qui vont suivre.

La recevabilité d'une demande de naturalisation est soumise à plusieurs conditions légales.

Ces conditions sont essentiellement prévues aux articles 26 à 42 et 99 du code de la nationalité congolaise. Parmi ces conditions, il y a notamment la prestation de serment civique et la déclaration de renonciation à la nationalité d'origine ou étrangère.

Le code de la nationalité prévoit que nul ne peut être naturalisé s'il n'a pas encore prêté le serment civique et renoncé expressément à sa nationalité d'origine (article 32.6e et 7e du code de la nationalité congolaise).

Le requérant doit comparaître devant le juge d'instance de sa résidence ou, à défaut, devant l'un des magistrats désignés à l'article 95 du code de la nationalité congolaise.

Le requérant doit prêter le serment civique et renoncer à sa nationalité d'origine en ces termes :
"Je jure de me conduire en tout cas comme un digne et loyal citoyen congolais et d'assumer toutes les obligations inhérentes à cette qualité. Je déclare en outre expressément renoncer à ma qualité de… qui est ma nationalité d'origine".

Le magistrat dresse aussitôt un procès-verbal de ce serment et de cette déclaration qui sera enregistrée au greffe et communiquée, selon les cas, soit au ministère de l'intérieur, soit à la préfecture dont dépend la résidence effective du postulant, ou les agents diplomatiques et consulaires et congolais si le postulant se trouve à l'étranger.
 
La prestation de serment civique et de renonciation à la nationalité d'origine telle que prévue par l'article 32 du code de la nationalité congolaise rend impossible et interdit le maintien de sa nationalité d'origine à tout postulant à la nationalité congolaise. Il ne lui sera donc plus possible, lorsqu'il aura obtenu son décret de naturalisation congolaise, d'exciper de sa nationalité d'origine ou étrangère.

Ce n'est pas pour rien que, lorsque leurs demandes de naturalisation sont acceptées par l'autorité compétente, les étrangers naturalisés congolais, c'est-à-dire, ayant renoncé à leur nationalité d'origine doivent transformer leurs pièces d'état civil étranger (et tout particulièrement leurs actes de naissance, s'ils sont nés à l'étranger) en actes d'état civil congolais par la transcription desdits actes étrangers sur les registres des Consuls ou des Ambassades du Congo, après en avoir fait la demande au ministère des affaires étrangères.

Il est clair donc que l'acquisition de la nationalité congolaise, par naturalisation, est incompatible avec le maintien de la nationalité d'origine du postulant. Aucun cumul n'est donc permis en l'état actuel de notre code de la nationalité et de notre Constitution.

Alors que le code de la nationalité congolaise l'interdit formellement et que la Constitution du 20 janvier 2002 ne le prévoit nulle part, comment prétendre alors, dans le compte rendu du Conseil des ministres, que cette Constitution permet aux étrangers naturalisés congolais de garder leur nationalité d'origine ?

Le parallèle fait entre le droit d'avoir une double nationalité, reconnu aux congolais d'origine par l'article 13 de la Constitution du 20 janvier 2002, et la situation des étrangers naturalisés congolais est dénué de tout fondement juridique et ne tient pas la route.

Autrement dit, ce droit constitutionnellement garanti aux congolais d'origine n'est pas transposable ou extensible aux étrangers naturalisés congolais.
Une telle confusion, qui ne peut être que dommageable, ne se justifie ni dans l'esprit ni dans la lettre de l'article 13 de la Constitution du 20 janvier 2002 et, encore moins, dans le code de la nationalité congolaise.

Suggestion :

Dans la mesure où cette confusion et cette fausseté émanent de l'organe délibérant du gouvernement qu'est le Conseil des ministres, et que le projet de loi soumis à son 'appréciation vient du garde des sceaux, il est plus qu'urgent de détromper aussi bien les citoyens congolais que les étrangers résidant au Congo Brazzaville et ayant lu le compte rendu du Conseil des ministres du 29 décembre 2010. Les administrations concernées par les questions de nationalité en font partie aussi.

On ne peut pas laisser toutes ces personnes dans la croyance fausse, selon laquelle, un étranger naturalisé congolais peut conserver sa nationalité d'origine, alors même qu'on sait pertinemment que la loi l'interdit formellement.

Si un tel rectificatif n'était pas publié, des difficultés surgiront inéluctablement demain dans les procédures de naturalisation congolaises engagées par les étrangers résidant dans notre pays. Il faut craindre qu'au moment de prêter le serment civique et de renoncer à leur nationalité d'origine, ces étrangers ne puissent refuser de le faire au motif que la Constitution du 20 janvier 2002 leur reconnaîtrait le droit de conserver leur nationalité d'origine tout en acquérant la nationalité congolaise. Ils  s'appuieront naturellement sur le compte rendu du Conseil des ministres du 29 décembre 2010.

Pour eux, à ce moment-là, le fait de leur demander de renoncer à leur nationalité d'origine équivaudrait à un déni de droit et à une iniquité que rien ne justifie. Il est encore temps de prévenir ces contestations.

Il y a donc lieu de publier, le plus rapidement possible, un rectificatif dans tous les journaux ayant publié ce compte rendu. C'est du reste une pratique courante dont on ne doit pas rougir.

Il faut aussi veiller à ce que cette confusion ne soit pas reprise dans le texte du projet de loi modifiant et complétant certaines dispositions du code de la nationalité congolaise.

La nationalité congolaise et la citoyenneté étant indissolublement liés, tout ce qui touche à ces deux matières doit être traité avec le plus grand sérieux et dans le strict respect des lois et règlements de la République, en général, de la Constitution et du code de la nationalité congolaise, en particulier.

La crédibilité du Conseil des ministres, du gouvernement et du ministre initiateur du projet de loi en dépend.

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