
Le militant interpelle, le droit consolide
Quand l’indignation populaire nourrit la loi et renforce la justice
Débat public – Précision institutionnelle du Président du CDRC
À la suite d’un échange public autour de la tribune « Justice pour toutes les victimes économiques et sociales du Congo », le Président du CDRC, Modeste Boukadia, apporte une précision essentielle : ce débat ne saurait être réduit à une controverse stérile entre le droit et la politique. Le juriste agit dans le cadre des lois, mais c’est l’action politique, portée par l’indignation collective et traduite à l’Assemblée nationale, qui fait naître, évoluer et renforcer le droit. Dans cette prise de parole, il rappelle que le militant interpelle, le politique propose, le législateur tranche, et le juriste consolide — des rôles distincts mais indissociables au service de la justice et de l’intérêt général. (Service Presse).
Le militant interpelle, le droit consolide
Quand l’indignation populaire nourrit la loi et renforce la justice
Je profite de cet échange public autour de la tribune « Justice pour toutes les victimes économiques et sociales du Congo » pour rappeler ma conviction profonde que le droit et la politique ne sont pas des mondes étanches. Le militant interpelle, le juriste consolide : deux forces indissociables pour protéger le peuple et garantir la justice. La justice, loin d’être neutre, est le fruit de l’indignation populaire transformée en lois et protections effectives pour le peuple.
Réponse à Monsieur Young Churchi Loko Kaya
Monsieur,
Nous avons pris connaissance avec attention de votre réaction à notre tribune. Votre contribution participe au débat public, que nous estimons nécessaire dans toute société en quête de justice, de responsabilité et de vérité.
Vous rappelez à juste titre que le droit international repose sur des qualifications strictes, encadrant notamment la notion de crime contre l’humanité. Il est exact que cette qualification suppose des critères précis, liés à l’intention, au caractère systématique des actes et à leur ampleur.
Notre démarche ne s’inscrit nullement dans une logique de confusion juridique. Elle vise à interpeller la conscience nationale et internationale sur la gravité structurelle et durable des politiques ayant conduit à l’appauvrissement massif, à la dégradation continue du système de santé, à l’effondrement de l’école et à la précarisation générale de la population. Ces réalités engagent, sans ambiguïté, des responsabilités politiques, administratives et pénales, tant sur le plan national qu’international.
Il est établi que les violations graves et répétées des droits économiques et sociaux fondamentaux, lorsqu’elles sont organisées, tolérées ou entretenues sur de longues périodes, constituent des manquements majeurs aux obligations internationales des États, et sont susceptibles d’engager la responsabilité de leurs auteurs.
Notre propos n’est pas de substituer le militantisme au droit, mais de rappeler que le droit lui-même s’est toujours construit à travers l’histoire en réponse aux injustices vécues par les peuples. L’interpellation politique ne s’oppose pas à la rigueur juridique ; elle en est souvent le point de départ.
Votre lecture de notre tribune se veut juridique ; elle est en réalité sélective, restrictive et, disons-le, excessivement défensive vis-à-vis de l’ordre dominant que vous prétendez pourtant analyser avec distance. Vous opposez le droit à la politique comme s’il s’agissait de deux mondes étanches. C’est une erreur fondamentale. Le droit n’est jamais neutre : il est l’aboutissement d’un rapport de forces historique, social et politique.
Vous rappelez, à juste titre, les critères classiques du crime contre l’humanité. Mais vous oubliez volontairement une dynamique essentielle du droit international : son évolution constante au regard des réalités des peuples. L’esclavage, la colonisation, l’apartheid furent longtemps légaux avant d’être reconnus comme des crimes. Ce qui hier relevait de la « gestion politique » est aujourd’hui qualifié pénalement.
Lorsque je dis que l’on peut tuer sans armes, je ne fais pas de « poésie militante », j’établis une responsabilité politique systémique :
- priver sciemment un peuple d’accès aux soins ;
- condamner sa jeunesse à l’ignorance ;
- détourner les ressources vitales ;
- organiser la misère comme mode de gouvernement.
Ce n’est pas une simple défaillance : c’est une stratégie de domination.
Vous invoquez l’absence « d’intention démontrable d’extermination ». Permettez-moi de vous retourner la question : lorsque, décennies après décennies, un pouvoir organise l’appauvrissement, la fuite des cerveaux, l’effondrement sanitaire, la précarité de masse et l’humiliation sociale, quelle autre intention faut-il encore démontrer sinon celle de maintenir un peuple dans un état de survie permanente ?
Vous classez ces faits dans les catégories suivantes :
- crimes économiques ;
- corruption ;
- détournements ;
- mise en danger.
Mais vous oubliez que l’accumulation organisée de ces crimes, à grande échelle, sur une population entière, peut précisément faire basculer la qualification juridique vers des crimes systémiques de masse. Le droit n’avance jamais par confort, il avance par ruptures.
Vous invoquez la rigueur juridique contre « l’émotion ». Je vous rappelle que toutes les grandes conquêtes du droit sont nées d’une indignation collective. Le droit n’est pas tombé du ciel : il est arraché par les peuples lorsqu’ils refusent que l’injustice continue à être légale.
Enfin, vous concluez en opposant militantisme et justice. Là encore, l’histoire vous dément. Sans militants, il n’y aurait ni droits civiques, ni justice internationale, ni tribunaux pour juger les crimes des puissants. Le militant ouvre la voie, le juriste consolide. Les deux sont indissociables.
Je ne déforme pas le droit. Je l’interpelle.
Je ne fragilise pas le combat. Je l’élargis à la hauteur du drame vécu par notre peuple.
Car à force de réduire les crimes à de simples « fautes de gestion », on finit par absoudre les systèmes qui détruisent les nations sans tirer une seule balle.
La rigueur juridique sans courage politique devient une neutralité complice.
Nous réaffirmons enfin que notre démarche vise exclusivement l’intérêt du peuple, la restauration de l’État de droit et la consolidation d’une justice digne de ce nom.
Modeste Boukadia
Président du CDRC – Une Nation Pour Tous
Le 06 décembre 2025 – 19h08
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Le 06 décembre 2025 à 17h10, Monsieur Young Churchi Loko Kaya a réagi
à la publication de la Tribune Tribune du Président du CDRC | « On peut tuer sans armes : quand l’abandon devient un crime »
Réponse à la banalisation des crimes sociaux au Congo

Réponse à la tribune de Monsieur Modeste Boukadia
Monsieur,
Votre tribune est forte dans le registre de l’émotion, puissante dans l’indignation morale, mais elle demeure profondément fragile sur le plan du droit. Et c’est précisément là que le débat mérite d’être clarifié, pour éviter que la gravité des mots ne se retourne contre la crédibilité du combat.
Vous affirmez que « l’on peut tuer sans armes » par l’abandon, la misère, la défaillance de l’école et du système de santé. Sur le plan moral et politique, cette formule est compréhensible. Oui, la misère tue. Oui, l’abandon tue. Oui, l’échec des politiques publiques coûte des vies humaines. Cela, personne de sérieux ne le conteste.
Mais le droit n’est pas de la poésie militante. Il repose sur des définitions précises, contraignantes et universelles. En droit international, un crime contre l’humanité suppose :
des actes précis (meurtres, extermination, torture, déportation, persécution organisée, etc.),
commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique,
dirigée intentionnellement contre une population civile.
Or, la
pauvreté, la défaillance de l’État, la corruption, l’abandon des
services publics, aussi dévastateurs soient-ils, ne suffisent pas
juridiquement à caractériser un crime contre l’humanité, faute d’une
intention démontrable d’extermination planifiée de la population.
Confondre ces catégories, c’est affaiblir le droit au lieu de le
renforcer.
Ce que vous décrivez relève davantage, sur le plan juridique, de :
- fautes politiques lourdes,
- violations graves des droits sociaux fondamentaux,
- mise en danger de la vie d’autrui,
- crimes économiques et financiers,
- corruption systémique,
- détournements massifs de fonds publics.
Ces crimes sont déjà suffisamment graves pour engager une responsabilité pénale nationale et internationale, sans avoir besoin de forcer artificiellement la qualification de crime contre l’humanité.
Là où votre raisonnement devient problématique, c’est lorsque vous transformez une indignation politique en catégorie pénale, au mépris des règles du droit. Ce n’est pas rendre service aux victimes. Car une justice solide se construit sur des qualifications justes, pas sur des slogans, même indignés.
Vous dites interroger la conscience nationale. C’est légitime. Mais la conscience nationale ne se nourrit pas d’amalgames juridiques. Elle se nourrit de vérité, de rigueur et de responsabilité.
La politique et le droit sont deux chemins distincts.
Le
militantisme mobilise, le droit juge. Le militantisme accuse, le droit
prouve. Lorsque l’émotion prend le pas sur la rigueur juridique, ce
n’est plus la justice que l’on sert, mais le désordre.
Votre combat politique peut être respecté. Mais déformer les règles du droit au nom de ce combat est une erreur stratégique autant qu’intellectuelle. Car demain, ce sont précisément ces règles du droit que vous invoquerez pour juger ceux que vous combattez aujourd’hui.
Young churchi Loko Kaya
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