Le Congo-Brazzaville est en proie à l’affaiblissement de l’État.
Contrairement
aux déclarations de monsieur Denis Sassou Nguesso, notre pays a connu
des périodes d’accalmie, de paix sociale depuis l’indépendance,
entrecoupées d’épisodes politiques tragiques sanglants, y compris des
assassinats organisés après des procès politiques perpétrés par ceux qui
se prétendent aujourd’hui défenseurs de la paix.
La
violence politique fait partie de notre ADN et se manifeste encore chez
certains cadres du PCT (Parti congolais du travail). Pour eux, l’accès
aux postes de pouvoir reste avant tout un ascenseur social, tandis que
le peuple sombre dans la misère.
On
accusait autrefois feu Président Joachim Yhombi-Opango
d’embourgeoisement ; aujourd’hui, la critique sonne creux face à la
gabegie actuelle. Tribalisme, régionalisme, népotisme et dépravation des
mœurs sont devenus la norme. Aucune solution visible n’apparaît à
l’horizon, la majorité de la population est désespérée, sans
perspective. Le culte de la personnalité, qui élève en idole le
responsable de notre débâcle, ne choque plus ceux qui exploitent les
biens publics pour leurs intérêts privés. Comment en sommes-nous arrivés
là, dans un pays où l’on clamait autrefois « Tout pour le peuple rien
que pour le peuple » ?
Privés
de toute chance d’accéder au pouvoir par les urnes, certains ont eu
recours à la militarisation et à l’embrigadement idéologique d’une
jeunesse abandonnée, transformant les armes et la violence, nouveaux
leviers, en moyens d’appropriation des richesses nationales. La période
de répit offerte par l’élection présidentielle libre et transparente de
1992 organisée par feu Premier ministre André Milongo fut étouffée par
ses successeurs, obsédés par la conservation du pouvoir. En 1997, cette
volonté de se maintenir au pouvoir à tout prix déboucha sur une guerre
civile sanglante qui fit environ 400 000 morts, tragédie née d’une soif
de pouvoir qui a sacrifié l’intérêt général.
De
feu Président Fulbert Youlou à monsieur Denis Sassou Nguesso, nombre
d’accessions au sommet de l’État se firent par la force. Même la
Conférence nationale souveraine de 1991, un coup d’état institutionnel
initialement porteuse d’un projet démocratique, fut vidée de sa
substance. La démocratie, culture exigeante, n’a jamais véritablement
irrigué nos élites politiques, nos universitaires et notre société
civile. Le modèle occidental copié ici s’est « africanisé » en retour,
conduisant à un repli vers le monopartisme et des partis satellites
factices. L’État est devenu un clan, autour duquel gravitent tribu,
obligés et clients prêts à dépecer la République.
La
déliquescence sociale, économique et juridique a fragilisé la cellule
familiale, parents et enfants se retrouvent au même plan, victimes de la
dureté de la vie. La faillite morale s’accompagne d’une prostitution
généralisée comme ultime moyen de survie. L’inaction publique face aux
préoccupations des Congolaises et des Congolais, notamment en matière de
sécurité, a creusé le désespoir des générations successives et affaibli
la crédibilité des politiques. Gouverner exige une vision, des outils
et la capacité de fédérer autour d’un idéal partagé, qualités
aujourd’hui absentes.
Le
phénomène des « bébés noirs » ou « kulunas » illustre le désengagement
du gouvernement congolais à l’égard de la jeunesse, malgré des
ressources considérables supposément disponibles, notamment les 14 000
milliards de francs CFA envolés sans laisser de trace. Traiter la
jeunesse par la répression et des opérations dites de « salubrité
publique » masque notre échec collectif. On ne bâtit pas un pays en
décimant sa jeunesse, l’avenir du pays ; l’année de la jeunesse est
restée sans évaluation. Le prix que paye les « bébés noirs » est trop
lourd pour les parents qui perdent leurs enfants, eux aussi victimes de
l’incurie gouvernementale qui se conjugue avec l’incompétence.
Le Congo ne peut céder à la résignation, ce problème sociétal réclame des réponses sociales, économiques et de justice.
Toute
action a un but. Nous craignons que certaines actions ne visent à
terroriser le peuple pour étouffer toute contestation avant des
échéances cruciales, le congrès du PCT en décembre 2025 et l’élection
présidentielle de mars 2026.
Monsieur
Denis Sassou Nguesso paraît incapable aujourd’hui de défendre
véritablement nos intérêts. Le salut du pouvoir se mesure au destin du
pays et à sa capacité à retrouver son éclat.
Ces
réflexions appellent une responsabilité citoyenne, joindre la parole à
l’acte. Se taire devant l’indicible est une lâcheté ; dénoncer est un
devoir pour le bien du pays, un sursaut patriotique. Notre problème est
structurel dans la refonte de nos institutions, un seul homme ne pouvant
concentrer autant de pouvoir, et moral dans la conduite des affaires
publiques.
Le
drame du Congo-Brazzaville est d’abord l’affaissement de l’État, garant
des libertés individuelles, de la justice, de notre patrimoine commun
et de la vie. Pour autant, notre pays possède une histoire, des
ambitions et des talents remarquables, mais l’histoire, hélas, bégaie.
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Patrice Aimé Césaire MIAKASSISSA
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