18 novembre 2025

Congo-Brazzaville : l'effondrement de l'Etat

par Patrice Aimé-Césaire Miakassissa 18 Novembre 2025, 09:47 Congo-Brazzaville PCT Sassou Nguesso

Le Congo-Brazzaville est en proie à l’affaiblissement de l’État. 
 
Contrairement aux déclarations de monsieur Denis Sassou Nguesso, notre pays a connu des périodes d’accalmie, de paix sociale depuis l’indépendance, entrecoupées d’épisodes politiques tragiques sanglants, y compris des assassinats organisés après des procès politiques perpétrés par ceux qui se prétendent aujourd’hui défenseurs de la paix. 
 
La violence politique fait partie de notre ADN et se manifeste encore chez certains cadres du PCT (Parti congolais du travail). Pour eux, l’accès aux postes de pouvoir reste avant tout un ascenseur social, tandis que le peuple sombre dans la misère. 
 
On accusait autrefois feu Président Joachim Yhombi-Opango d’embourgeoisement ; aujourd’hui, la critique sonne creux face à la gabegie actuelle. Tribalisme, régionalisme, népotisme et dépravation des mœurs sont devenus la norme. Aucune solution visible n’apparaît à l’horizon, la majorité de la population est désespérée, sans perspective. Le culte de la personnalité, qui élève en idole le responsable de notre débâcle, ne choque plus ceux qui exploitent les biens publics pour leurs intérêts privés. Comment en sommes-nous arrivés là, dans un pays où l’on clamait autrefois « Tout pour le peuple rien que pour le peuple » ? 
 
Privés de toute chance d’accéder au pouvoir par les urnes, certains ont eu recours à la militarisation et à l’embrigadement idéologique d’une jeunesse abandonnée, transformant les armes et la violence, nouveaux leviers, en moyens d’appropriation des richesses nationales. La période de répit offerte par l’élection présidentielle libre et transparente de 1992 organisée par feu Premier ministre André Milongo fut étouffée par ses successeurs, obsédés par la conservation du pouvoir. En 1997, cette volonté de se maintenir au pouvoir à tout prix déboucha sur une guerre civile sanglante qui fit environ 400 000 morts, tragédie née d’une soif de pouvoir qui a sacrifié l’intérêt général. 
 
De feu Président Fulbert Youlou à monsieur Denis Sassou Nguesso, nombre d’accessions au sommet de l’État se firent par la force. Même la Conférence nationale souveraine de 1991, un coup d’état institutionnel initialement porteuse d’un projet démocratique, fut vidée de sa substance. La démocratie, culture exigeante, n’a jamais véritablement irrigué nos élites politiques, nos universitaires et notre société civile. Le modèle occidental copié ici s’est « africanisé » en retour, conduisant à un repli vers le monopartisme et des partis satellites factices. L’État est devenu un clan, autour duquel gravitent tribu, obligés et clients prêts à dépecer la République. 
 
La déliquescence sociale, économique et juridique a fragilisé la cellule familiale, parents et enfants se retrouvent au même plan, victimes de la dureté de la vie. La faillite morale s’accompagne d’une prostitution généralisée comme ultime moyen de survie. L’inaction publique face aux préoccupations des Congolaises et des Congolais, notamment en matière de sécurité, a creusé le désespoir des générations successives et affaibli la crédibilité des politiques. Gouverner exige une vision, des outils et la capacité de fédérer autour d’un idéal partagé, qualités aujourd’hui absentes. 
 
Le phénomène des « bébés noirs » ou « kulunas » illustre le désengagement du gouvernement congolais à l’égard de la jeunesse, malgré des ressources considérables supposément disponibles, notamment les 14 000 milliards de francs CFA envolés sans laisser de trace. Traiter la jeunesse par la répression et des opérations dites de « salubrité publique » masque notre échec collectif. On ne bâtit pas un pays en décimant sa jeunesse, l’avenir du pays ; l’année de la jeunesse est restée sans évaluation. Le prix que paye les « bébés noirs » est trop lourd pour les parents qui perdent leurs enfants, eux aussi victimes de l’incurie gouvernementale qui se conjugue avec l’incompétence. 
 
Le Congo ne peut céder à la résignation, ce problème sociétal réclame des réponses sociales, économiques et de justice. 
 
Toute action a un but. Nous craignons que certaines actions ne visent à terroriser le peuple pour étouffer toute contestation avant des échéances cruciales, le congrès du PCT en décembre 2025 et l’élection présidentielle de mars 2026. 
 
Monsieur Denis Sassou Nguesso paraît incapable aujourd’hui de défendre véritablement nos intérêts. Le salut du pouvoir se mesure au destin du pays et à sa capacité à retrouver son éclat. 
 
Ces réflexions appellent une responsabilité citoyenne, joindre la parole à l’acte. Se taire devant l’indicible est une lâcheté ; dénoncer est un devoir pour le bien du pays, un sursaut patriotique. Notre problème est structurel dans la refonte de nos institutions, un seul homme ne pouvant concentrer autant de pouvoir, et moral dans la conduite des affaires publiques. 
 
Le drame du Congo-Brazzaville est d’abord l’affaissement de l’État, garant des libertés individuelles, de la justice, de notre patrimoine commun et de la vie. Pour autant, notre pays possède une histoire, des ambitions et des talents remarquables, mais l’histoire, hélas, bégaie. 
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Patrice Aimé Césaire MIAKASSISSA

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